[Focus Guinée] Guinée : les opposants au 3ème mandat d’Alpha Condé en position de force (sur Twitter)

Depuis quelques mois les réseaux sociaux guinéens sont en pleine effervescence. En débat, la volonté de l’actuel Président Alpha Condé de doter la Guinée d’une nouvelle Constitution à quelques mois du terme de son deuxième et dernier mandat. L’opposition et de nombreux acteurs de la société civile, réunis au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), protestent dans les rues du pays depuis le mois d’octobre contre la démarche d’Alpha Condé et de son parti le RPG Arc-en-Ciel. L’opposition fédérée accuse Alpha Condé de vouloir changer la constitution pour briguer un 3ème mandat, illégal au regard de la constitution actuelle.
Sur les réseaux sociaux, deux camps s’affrontent, polarisés autour du mot d’ordre #Amoulanfé (anti-référendum et 3ème mandat), littéralement “ça ne marchera pas” en Soussou (l’une des 3 langues les plus parlées en Guinée avec le Malinké et le Peul), et de son opposé #Alanmané (pro-3ème mandat). Afriques Connectées, en partenariat avec la plateforme Visibrain, a collecté près de 47 300 tweets relatifs au référendum constitutionnel et au potentiel 3ème mandat d’Alpha Condé entre le 9 décembre 2019 et le 22 janvier 2020.

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Guinée : Sur Twitter, les opposants au 3ème mandat d’Alpha Condé en position de force avec le mouvement #Amoulanfé

Depuis quelques mois les réseaux sociaux guinéens sont en pleine effervescence. En débat, la volonté de l’actuel Président Alpha Condé de doter la Guinée d’une nouvelle Constitution à quelques mois du terme de son deuxième et dernier mandat. L’opposition et de nombreux acteurs de la société civile, réunis au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), protestent dans les rues du pays depuis le mois d’octobre contre la démarche d’Alpha Condé et de son parti le RPG Arc-en-Ciel. L’opposition fédérée accuse Alpha Condé de vouloir changer la constitution pour briguer un 3ème mandat, illégal au regard de la constitution actuelle.

Sur les réseaux sociaux, deux camps s’affrontent, polarisés autour du mot d’ordre #Amoulanfé (anti-référendum et 3ème mandat), littéralement “ça ne marchera pas” en Soussou (l’une des 3 langues les plus parlées en Guinée avec le Malinké et le Peul), et de son opposé #Alanmané (pro-3ème mandat). Afriques Connectées, en partenariat avec la plateforme Visibrain, a collecté près de 47 300 tweets relatifs au référendum constitutionnel et au potentiel 3ème mandat d’Alpha Condé entre le 9 décembre 2019 et le 22 janvier 2020. L’Observatoire Afriques Connectées vous propose de plonger dans ces conversations pour découvrir les dynamiques de mobilisation et les rapports de force entre les deux camps sur Twitter.

Les manifestations du FNDC rythment l’activité sur Twitter

Les principaux pics de visibilité et de discussion sont corrélés au processus d’avancement politique du projet de nouvelle Constitution mais aussi aux manifestations du FDNC, qui figurent parmi les principales sources de visibilité du débat en ligne.

Le principal pic est survenu le 19 décembre, lorsque le Président Alpha Condé a annoncé sur la chaîne TV nationale, la RTG, l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui sera prochainement soumise au peuple par voie référendaire.

Les manifestations du 10 décembre, du 6 janvier et celles, quotidiennes, débutées à compter du 13 janvier, ont permis à l’opposition de se distinguer comme le plus gros pourvoyeur de discussions en ligne. En dehors de l’annonce faite par Alpha Condé le 19 décembre, c’est bien la mobilisation anti-3ème mandat qui dicte le tempo des conversations en ligne.

Timeline des retombées du 9 décembre 2019 au 22 janvier 2020

Sur Twitter, l’opposition prend le dessus

Rassemblés au sein du Front National pour la Défense de la Constitution, le FNDC, les partis d’opposition et la société civile font aussi front commun en ligne. Sur les 490 comptes les plus actifs et influents sur les réseaux sociaux, la communauté d’opposition rassemble sensiblement plus de comptes que la communauté de la mouvance présidentielle (38 % pour l’opposition, représentée en rouge, et 18 % pour la mouvance présidentielle représentée en vert). La communauté de l’opposition s’avère bien plus vaste et plurielle, réunissant des profils variés et davantage en interactions avec des comptes de journalistes et de médias internationaux, d’une part, d’institutionnels et d’ONGs d’autre part.

La communauté de la mouvance présidentielle présente de son côté une typologie de profils plus resserrée, dont la quasi-totalité est acquise à Alpha Condé. Également moins active, cet écosystème militant peine à peser dans le rapport de force sur Twitter. Celui-ci est principalement porté par les comptes du Premier ministre @IbrahimaKFofana et des ministres @gcurtisgn et @naitemoustapha.

Les comptes d’opposition, plus influents, parviennent à susciter plus d’adhésion auprès d’une audience plus large, composée de davantage de comptes apolitiques et non partisans, tandis que la mouvance présidentielle ne suscite des interactions qu’auprès d’un cercle circonscrit aux militants et cadres du RPG-Arc-en-Ciel.

Sur cette cartographie, chaque nœud (point) représente un compte. La taille des comptes est proportionnelle à leur influence au sein du réseau de conversation (Eigenvector centrality). Les relations entre deux comptes (RT, mention) sont représentées par un lien, l’épaisseur de celui-ci est proportionnelle à l’intensité des échanges entre les deux comptes. Par souci de lisibilité, cette cartographie rend visible les 489 comptes Twitter les plus actifs et influents (sur près de 10 000 comptes) et les 7 950 liens les connectant (sur près de 18 000 au total) dans les conversations Twitter sur le référendum constitutionnel.

Les opposants font cause commune

Réunis autour d’une cause commune au sein du FNDC, dont le compte Twitter fait office de compte pivot des revendications contre le 3ème mandat, les différents comptes de l’opposition allient également leurs forces sur les réseaux sociaux. Cette alliance digitale leur permet de mobiliser leurs communautés respectives et ainsi de susciter de forts taux d’engagement, de porter leurs messages à une audience massive et, in fine, de gagner aisément le rapport de force contre les comptes de la mouvance présidentielle sur Twitter.

Sidya Touré, Président du parti d’opposition UFR, apparaît comme pleinement intégré à la communauté du FNDC. Sa communauté semble se confondre avec cette dernière, si bien que ses interactions proviennent essentiellement de comptes se revendiquant du FNDC sans bénéficier d’une communauté de soutien propre à son parti.

Les deux autres grandes figures de l’opposition politique, Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition et président du plus grand parti d’opposition l’UFDG, et Bah Oury, ancien membre de l’UFDG ayant coupé les relations avec le parti avant de lancer le sien, tous deux liés au FNDC, possèdent leur propre communauté en ligne, en témoignent leur positionnement et leur importance sur la cartographie.

Il faut cependant relativiser et nuancer l’influence et l’importance de Bah Oury, son compte ayant suscité un grand nombre d’interactions à la suite d’un piratage et la diffusion d’une “image pornographique”, ce qui explique une partie de sa visibilité dans la cartographie, contextuelle au moment de la réalisation de notre analyse.

Cellou Dalein Diallo s’impose dès lors comme le membre de l’opposition le plus influent sur Twitter. Bien que son activité soit moins intense que celle des deux autres leaders, il est, de loin, l’homme politique guinéen qui suscite le plus d’engagement sur Twitter. Quatre de ses tweets figurent dans le top 10 des tweets les plus retweetés sur la période analysée, ayant suscité 844 RT, loin devant Bah Oury (@bahourykigna) avec 700 RT suscités et Sidya Touré (@sidyaofficiel), 197 RT suscités.

Une myriade de comptes experts ou activistes pour faire barrage au 3ème mandat

Le compte @Amoulanfe2020, se présentant comme un collectif non partisan engagé contre le 3ème mandat, se place parmi les comptes les plus influents de la mobilisation en ligne. Avec plus de 1300 RT suscités sur la période, il est le 4ème compte le plus repris derrière les médias nationaux @VisionGuinee et @Guineematin, et le @FNDC_Gn. Très actif en terme de veille et de riposte, la force de ce compte est de publier régulièrement des contenus propres, avec des infographies et des montages vidéos très relayés dénonçant la mainmise d’Alpha Condé sur les affaires politiques et économiques du pays.

L’opposition contre le 3ème mandat d’Alpha Condé s’appuie également sur des comptes secondaires mais néanmoins influents regroupant des profils variés avec des experts et blogueurs comme @RIFCHEDIALLO, @witterlims ou encore @sbskalan (qui a lancé récemment #AlloColéah, équivalent de #AlloBeauveau de @davduf en France) et des militants et activistes comme @ambangoura, @kalilLeGeneral, @FodeBALD2 et @fareinta.

Les médias @VisionGuinée, @Guineematin, les journalistes @CarolValade et @sidyyansane, pour leur activité de relais d’information, sont très souvent repris et mentionnés par les comptes d’opposition, ce qui explique leur présence dans cette communauté.

La mouvance présidentielle écrasée et mise à l’écart par l’opposition

La difficulté de la mouvance présidentielle à peser dans les conversations s’explique aisément au regard du positionnement politique de leur leader Alpha Condé et de son silence fallacieux sur sa volonté de faire un 3ème mandat. S’abstenant de se déclarer officiellement à l’heure actuelle, il laisse pour simple possibilité à ses partisans de faire la promotion du référendum pour une modification constitutionnelle sans réel argument tandis que l’opposition communique autour d’un argument fort et mobilisateur : le lien entre nouvelle constitution et 3ème mandat.

Ce positionnement inavoué du Président Alpha Condé laisse ses soutiens dans l’embarras. Les comptes institutionnels de l’Etat se retrouvent marginalisés, ce sont ainsi les hommes politiques (ministres et chargés de communication) qui concentrent les débats. Les comptes personnels des ministres ont supplanté les comptes des Institutions, en témoigne @GouvGN qui n’a rien publié depuis juin 2019, le compte n’apparaît dans la cartographie qu’en raison du fait qu’il continue d’être mentionné.

Le top 5 des hashtags illustre la difficulté de la mouvance présidentielle à s’imposer dans les conversations et son incapacité à rassembler autour de mots d’ordre clairs. Le hashtag #Alanmané, porté par les pro-Condé, est quasi-inexistant contrairement au hashtag #Amoulanfé qui arrive presque à égalité avec le hashtag #kibaro qui est utilisé pour concentrer l’intégralité des tweets relatifs à la Guinée.

Présence duale d’Alpha Condé sur Twitter

Deux comptes se présentent comme étant ceux du Président Alpha Condé : @President_Gn et @AlphaCondePRG. Aucun n’a la certification Twitter et tous deux affichent des habillages, lignes éditoriales et actualités similaires.

Tandis que @President_GN apparait dans la même communauté que les comptes de la mouvance présidentielle (communauté verte), le compte @AlphaCondePRG fait davantage l’objet d’attaque de la part des comptes proches du FNDC (d’où sa présence dans la communauté rouge) tout en présentant une forte proximité avec les comptes de la mouvance présidentielle à travers de nombreuses reprises de la part de comptes ministériels ou pro-Condé. Le compte @AlphaCondePRG est celui des deux comptes qui suscite le plus de RT, 361 contre 302 pour @President_Gn sur la période analysée. C’est plus de deux fois moins que ceux engrangés par Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition.

@Prof_AlphaCondé est un compte ouvertement parodique, il est cependant le compte au nom d’Alpha Condé qui a le plus de followers, près de 50 000.

Top 10 des comptes les plus mentionnés (source Visibrain)

Les comptes d’opposition à la recherche de soutien auprès de la communauté internationale

En bas de la cartographie, intégrés à la communauté FNDC engagée contre le 3ème mandat, se retrouvent les comptes internationaux : @ndi, @ecowas_cedeao, @_AfricanUnion, @JY_LeDrian, @EmmanuelMacron, @AOuattara_PRCI, @GEJoanathan… qui font pour la plupart l’objet d’interpellation des comptes d’opposition les appelant à l’aide ou à des prises de parole contre le 3ème mandat. L’actualité internationale d’Alpha Condé donne aussi l’occasion à l’opposition d’élargir la visibilité de ses interpellations et de faire connaître son combat au delà des milieux initiés.

La mouvance présidentielle a été bousculée quelques jours fin janvier par une grève des communicants du RPG dont les revendications portaient sur une augmentation de leurs indemnités et une valorisation de leur fonction. Ces comptes, peu nombreux mais très actifs, sont régulièrement accusés de véhiculer des fake news en faveur de leur candidat ou dénigrant ses opposants. Si ceux-ci ont obtenu gain de cause auprès de leur parti, il est peu probable que la reprise de leur activité change le rapport de force. En Guinée, Twitter dit #Amoulanfé.

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[Global Voices] Manifestations en Guinée et solidarité panafricaine contre le projet du Président Condé de briguer un troisième mandat

Alors que le pouvoir guinéen maintient le flou sur le calendrier des élections législatives et sur de possibles changements de la constitution qui pourraient prolonger la présidence d’Alpha Condé, les manifestants continuent de se mobiliser à travers le monde. Le dialogue politique semble être dans une impasse totale comme le démontrent de nombreux commentaires en ligne à l’échelle panafricaine.

La Guinée se prépare depuis plusieurs mois à deux dates cruciales: celle des élections législatives et celle des élections présidentielles prévues pour octobre 2020. Or dans les deux cas, le pouvoir maintient une politique ambigüe qui polarise la société guinéenne. Alors que les élections législatives étaient annoncées initialement fin 2018, puis prévues pour le 28 décembre 2019, elles viennent d’être reportées sans véritable explication et surtout sans annonce d’une nouvelle date.

Comme le rappelle le site Guineepolitique, les manifestants sont à bout:

Après la semaine de manifestation meurtrière qu’a connue le pays, les Guinéens ne veulent rien lâcher. Mercredi [23 octobre], alors que les femmes ont défilé en blanc pour dire stop aux violences policières, le pays est entré dans une dangereuse effervescence.

Jeudi, les opposants ont pris le relais dans les rues de la capitale Conakry et d’autres villes du pays. Vêtus de rouge (la couleur du sang des victimes), ils étaient bien des centaines de milliers de personnes selon des journalistes locaux – un million selon les organisateurs, 30 000 selon le gouvernement – à marcher sur plusieurs kilomètres aux cris de « amoulanfe » (« ça ne passera pas » dans la langue locale) ou « à bas la dictature », sans heurts malgré une forte et discrète présence policière.

L’opposition à tout changement constitutionnel se manifeste également en ligne, comme le souligne Afriques Connectées,  le site d’observation des médias sociaux africains basé à Abidjan

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#SunuDébat : la twittosphère arrivera-t-elle à imposer un débat inédit au Sénégal ?

Comme pour l’élection de 2012, pendant laquelle le Sénégal avait fait figure de leader dans le domaine des civic tech en Afrique en lançant la plateforme citoyenne de suivi de la campagne électorale #Sunu2012, les internautes sénégalais condensent depuis quelques mois les tweets relatifs à l’élection de 2019 avec le hashtag #Sunu2019 (plus de 7 500 tweets au cours des 30 derniers jours). Mais c’est un autre hashtag qui mobilise la twittosphère sénégalaise ces derniers jours : #SunuDébat. Celui-ci est présent dans plus de 21 000 tweets une dizaine de jours après sa première apparition, le 8 janvier.

L’idée portée par le hashtag d’inviter les candidats à l’élection présidentielle à s’affronter lors d’un débat télévisé est lancée par @Call_Me_Wawa, qui interpelle directement le Président du Sénégal sur le sujet, dans un tweet retweeté à plus de 600 reprises.

Cet appel a été suivi très rapidement par la twittosphère sénégalaise, l’une des plus actives et influentes de la sous-région voire du continent africain, avec notamment l’influent activiste @aliamsi (23.5 K abonnés).

L’organisation d’un débat en vue de l’élection présidentielle serait une première pour le Sénégal, une démarche également très marginale voire inexistante pour un pays de la sous-région.

Macky Sall, candidat à sa propre succession a cultivé pendant l’ensemble de son mandat l’image d’un Président réformateur et novateur. La posture du Président candidat quant à cette opportunité de saisir cette démarche et de se soumettre à un débat semble pourtant constituer davantage une prise de risque qu’une sinécure, tant la virulence des candidats d’opposition à son égard se fait pesante.

Afriques Connectées s’est penchée sur le hashtag #SunuDébat, de son apparition à sa médiatisation en passant par la mobilisation citoyenne qu’il suscite, à travers l’analyse et la cartographie de 16 217 tweets émis avec les hashtags #SunuDébat et #Sunu2019 entre le 3 et le 13 janvier.

Des candidats à l’écoute

En quelques heures, le tweet atteint le Ministre en charge de la communication présidentielle, El Hadj Hamidou Kassé, qui indique que les conditions ne sont pas réunies pour la mise en place d’un débat à ses yeux. A la suite de cet échange, @Call_Me_Wawa annonce le lancement du hashtag #SunuDébat :

Si la jeune étudiante est parvenue à échanger avec l’équipe de Macky Sall, ce n’est véritablement qu’à partir du relai de l’initiative par @aliamsi que celle-ci connaît un réel essor, notamment auprès des candidats. Ce dernier invite l’ensemble des candidats à se prononcer sur l’initiative :

Et cette démarche s’est avérée fructueuse : le premier candidat à signifier sa volonté de participer à un tel débat est Madické Niang, en réponse directe, puis viennent les réponses d’Ousmane Sonko, de Khalifa Sall (dont la candidature a depuis été écartée par le Conseil Constitutionnel), et d’Issa Sall.

Cette cartographie des 1 165 comptes les plus actifs sur Twitter avec les expressions #SunuDébat et #Sunu2019 retrace très bien l’historique de ce phénomène, et la manière dont le hashtag #SunuDébat a circulé sur les réseaux. On constate nettement l’influence du compte @Call_Me_Wawa qui fédère une large audience autour du hashtag qu’elle a lancé le 8 janvier. Du fait d’un rythme de publication soutenu (103 tweets uniques publiés avec ce hashtag depuis ce compte), pour commenter et soutenir la dynamique du hashtag, ce compte fédère une large communauté (ici représentée en jaune). Néanmoins, c’est le soutien de Papa Ismaïla Dieng (@aliamsi) qui relaie le hashtag le 9 janvier dans un tweet qui sera le plus partagé sur la période (362 retweets) qui permet d’augmenter la visibilité et l’écho de cette démarche. Le bloggeur aux plus de 23 000 followers mentionne les principaux candidats dans son message, qui gagnent de facto en visibilité à mesure que le message est relayé. @Aliamsi, de par sa visibilité et sa légitimité sur le web mais également en dehors (le journaliste est notamment membre des Africtivistes dont nous parlions dans un précédent billet), bénéficie d’une telle capacité de résonance, et donc de potentielles de connexions, qu’il génère une communauté à part, verte sur notre carte.

Entre ces deux communautés, plusieurs comptes relayent le hashtag afin de défendre le projet. On y retrouve notamment le compte @LoMaCire qui publie près de 34 tweets uniques avec le hashtag dont un thread passionné. La disparité des interactions suscitées par ce compte (lien rouge) à plus de 25 000 abonnés, montre son utilité pour exporter le débat hors des deux communautés déjà étudiées et traditionnellement investies sur les sujets politiques.

Remarquons enfin trois autres comptes d’importance, tant par leurs publications que par leurs mentions visibles sur cette cartographie : @djigane et @adbourami, comptes influents de la communauté jaune, et @KaneBousso pour la communauté verte. Il s’agit de comptes relais avec une forte capacité de soutien dans la circulation des messages. Mais la visibilité de ces comptes s’explique également par le rôle que tiendraient leurs propriétaires dans l’organisation du #SunuDébat, à moins que ça ne soit l’inverse comme nous le verrons plus tard.

Des médias impliqués

Dans un premier temps restreint aux réseaux sociaux, le hashtag #SunuDébat est rapidement repéré par les médias. Prompts à relayer les initiatives et débats nés sur les réseaux sociaux, les médias nationaux sont les premiers à couvrir (MétroDakar publie un article le jour-même, suivi par DakarActu, PressAfrik, SeneNews, …) ; les médias internationaux ne tardent pas à leur emboîter le pas (Africa Post NewsRFIJeune Afrique qui publie également une tribune de @Call_Me_Wawa).

Presse papier (citons notamment L’Observateur, quotidien le plus lu au Sénégal), radio et télévision ne sont pas en reste, ce que ne manque pas de relever l’initiatrice du hashtag dans une volonté d’amplifier la visibilité des différentes retombées presse générées par son initiative et d’asseoir la légitimité de celle-ci aux yeux du monde journalistique :

Au-delà d’un relai de l’initiative, certains médias se sont prononcés en faveur de la tenue d’un tel débat présidentiel. Le site d’information Dakarflash appelle ainsi la profession à soutenir l’initiative :

Quant à elle, la chaîne privée 2STV va jusqu’à proposer d’héberger le débat sur ses ondes.

Des citoyens mobilisés ?

Heureuse bénéficiaire de cet intérêt en ligne, la pétition lancée il y a quatre mois par la “plateforme de démocratie participative” sénégalaise Sunu Vote connaît un regain de popularité sur la période étudiée : 280 tweets partagent le lien vers cette pétition qui n’a cependant toujours pas encore dépassé le palier symbolique des 10 000 signatures : 7 887 signatures sont relevées au moment où nous écrivons ce texte (alors même que nous avons relevé plus de 16 000 tweets sur une semaine).

Sunu Vote se félicite d’ailleurs de la popularité du sujet grâce au hashtag dans un billet publié sur Change.org. Les auteurs félicitent l’initiatrice du hashtag et déclarent être les “partenaire[s]” de cette initiative. Si cette tournure pourrait laisser penser que l’émergence de ce hashtag soit le fait d’une opération de communication militante plus organisée qu’il n’y paraît, aucun autre élément ne nous permet d’argumenter en ce sens : gageons plutôt qu’il s’agisse là d’une déclaration de solidarité des organisateurs de la pétition vers l’internaute Call Me Wawa, et d’une volonté de se rapprocher de l’instigatrice du hashtag sur la base d’aspirations démocratiques communes.

D’après BuzzSumo, la page de la pétition a généré 934 engagements sur Facebook, un chiffre qui comprend pêle-mêle les réactions, les commentaires et les partages sur le réseau social. Une recherche avancée sur Facebook nous renvoie vers quelques posts Facebook de Sunu Vote, assez faiblement engagés, ce qui permet de présumer que l’essentiel des partages de cette pétition a lieu sur des groupes ou sur les profils des internautes.

Permettons-nous néanmoins de relever que 934 engagements sur Facebook, et à peine 8 000 signatures sur quatre mois, sont des volumes assez faibles qui pourraient bien relativiser l’enthousiasme autour du hashtag, et plus globalement de la mobilisation. Nous n’avons cependant pas accès à des données plus précises sur le volume de signatures au fil du temps, et s’il est permis de penser que le hashtag a eu un effet bénéfique sur cette pétition, nous ne pouvons pas le quantifier, mais simplement l’observer via des retombées indirectes.

En effet, la page Facebook de Sunu Vote annonçait le 12 et le 13 janvier que les chiffres respectifs de 4 000 et 5 000 signatures avaient été atteints, soit 4 jours après que le hashtag #SunuDébat fut lancé, ce qui atteste d’un certain dynamisme qu’il n’est pas interdit de corréler à l’agitation générée par le hashtag dans certaines twittosphères sénégalaises.

Vers la mise en place du débat ?

L’organisation du débat n’a pas attendu d’être avalisée par les autorités pour que les porteurs de l’initiative travaillent sur son ébauche. En effet, Awa Mbengue a publié le 15 janvier sur son compte @Call_Me_Wawa un thread récapitulant les principaux événements générés par le hashtag. Plus intéressant encore, ce thread présente également “la liste des principales personnes s’activant sur la toile et en dehors, pour la concrétisation de #SunuDebat”, en trois tweets. Chacun y a un ou plusieurs rôles, parfois partagés, dont la terminologie évoque le monde de l’entreprise.

On y retrouve les 6 principaux comptes que nous avions identifiés dans notre cartographie : @Call_Me_Wawa, évidemment, mais également @aliamsi, @LoMaCire, @abdourami, @djigane et @KaneBousso. Il est notable que si ces comptes étaient les plus visibles de notre cartographie, cette visibilité donne naissance à des responsabilités : ici, c’est bien leur activité en ligne, qui est mise en avant pour justifier les rôles de ces personnalités. Très intéressant exercice démocratique où popularité et responsabilités semblent aller de pair et qui nous invite à méditer sur le rôle joué par des comptes influents dans la logistique nécessaire pour transformer ce que d’aucuns appellent un buzz en événement hors-ligne, et plus globalement sur le pouvoir que peut conférer une audience.

Il ne s’agit cependant pas de quitter complètement le numérique, comme en témoigne la démarche d’@abdourami qui compte encore sur Twitter pour récolter questions et réactions des citoyens connectés :

Le hashtag semble quant à lui avoir pris son envol : il est désormais utilisé comme caisse de résonance dans l’écosystème sénégalais sur Twitter, à la fois par des candidats pour traiter de la campagne que par des acteurs nationaux sur des sujets complètement différents :

Candidats, médias, citoyens, tous sont à leur niveau touchés et plus ou moins mobilisés pour l’organisation d’un débat qui verrait s’affronter les différentes parties prenantes de l’élection présidentielle. Si tous les ingrédients semblent réunis, il reste à voir si Macky Sall se montrera sensible à l’initiative et saisira la balle au rebond pour instituer une innovation dans la démocratie sénégalaise : défendre son bilan et glaner quelques points de popularité.

Cependant, il semble plus crédible que le Président sénégalais s’abstienne de répondre à cette invitation : Twitter est un écosystème militant, dans lequel les opposants sont très actifs. Le Sénégal ne fait pas exception, en témoigne la présence centrale (et ainsi son influence dans les échanges) dans la cartographie de @LoMaCire, alias Kébétueuse, qui ne se cache pas d’être farouchement opposée à Macky Sall (elle affiche le hashtag #AntiMacky dans sa biographie). Dès lors, consentir à prendre part à un tel débat pourrait être vu comme une exposition inopportune. Macky Sall semble en position de force, sans Khalifa Sall ou Karim Wade en face de lui, tous deux inéligibles.

S’il apparaît que la participation de Macky Sall montrerait une certaine innovation dans la démocratie sénégalaise (choix stratégique, signe d’ouverture), le gain qu’en récolterait le Président sortant paraît minime au regard de son exposition et de sa place de favori — et la réponse de son ministre de la communication @elhadjkasse semble confirmer cette tendance, quoi qu’il ne ferme pas complètement la porte.

Mais le choix de sortir du rôle de Président pour enfiler le costume de candidat est souvent difficile à prendre, tout comme la défense d’un bilan semble plus complexe que d’en souligner les limites. La mobilisation en ligne et la reprise dans les médias ne sont pas encore suffisamment fortes pour forcer le Président à s’emparer de cette question : pour l’instant, tant qu’un “seuil critique” ne sera pas atteint, Macky Sall ne prendra peut-être pas ce risque…

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[Happens Africa] Africa Communications Week 2018 : changer le storytelling sur l’Afrique

Le storytelling sur l’Afrique, dans les médias, à l’occasion de prises de parole publiques, ou dans tout autre contexte, doit changer ; il doit être davantage inspirant. Tel fut l’un axes de discussions entre spécialistes de la communication pendant l’exceptionnelle semaine d’événements initiés dans plus d’une vingtaine de pays à l’occasion de l’édition 2018 d’Africa Communications Week (AfricaCommsWeek). 

La thématique centrale définie portait sur les opportunités pour la communication dans le cadre de l’intégration économique africaine. Sur les réseaux sociaux, elle a été résumée par le hashtag #TheAfricaWeWant mentionné des milliers de fois. Selon un décompte effectué par Afriques Connectées via Visibrain, 7 277 tweets ont été émis en rapport avec l’édition 2018 de la campagne (décompte arrêté au 26 Mai) avec plus de 83 millions d’impressions générées. 

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