#VisitCongo : campagne d’influence ou opération de greenwashing ?

Le 21 octobre, la République du Congo a lancé la campagne d’influence digitale #VisitCongo, également focalisée autour du hashtag #LandOfOpportunities, une opération d’envergure pour promouvoir le patrimoine touristique du pays, alors que se tenait le Sommet des 3 Bassins du 26 au 28 octobre à Brazzaville. 

Une trentaine d’influenceurs spécialisés en tourisme issus de pays africains, francophones pour la plupart, et de France ont été invités par les autorités congolaises à visiter – et évidemment promouvoir sur les réseaux sociaux – des sites naturels au potentiel touristique fort pour le pays. 

Nombre d’impressions et de likes par post, sur Instagram, TikTok et X (Twitter)

Une hausse de 2 040% du nombre d’impressions par post sur Instagram, de plus de 12 500% du nombre de likes par post sur Instagram et quasi 1000% d’augmentation du nombre de likes par post sur TikTok : de prime abord, la campagne est un succès. Mais à y regarder de plus près, elle pâtit de plusieurs écueils. 

Pour son analyse, Afriques Connectées a collecté, grâce à son partenaire ​​Visibrain – outil de veille des réseaux sociaux, 327 posts Instagram (6,9 millions d’impressions), 75 TikToks (834K vues) et 1 363 tweets (7,5 millions d’impressions) du 11 au 31 octobre. 

Une opération de visibilité réussie

D’un point de vue quantitatif, la campagne est une réussite. En 10 jours, elle a généré 84 000 likes sur Instagram et 87 000 sur TikTok, et enregistré près de 6 millions d’impressions sur Instagram quand le pays bénéficiait de 255 000 impressions dans les 10 jours qui l’ont précédée. Les influenceurs se sont attelés à valoriser les paysages et la culture du pays auprès d’audiences particulièrement ouvertes à ces thématiques. Le compte Instagram @visitrepublicofcongo a été spécialement créé pour centraliser les contenus produits dans le cadre de la campagne, et capter les audiences des influenceurs : il est parvenu à engranger plus de 4 000 abonnés durant l’opération, une réussite pour le lancement d’un compte de ce type en quelques jours. 

Alors que la campagne a été principalement francophone, avec des créateurs de contenus venus entre autres de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Gabon ou encore de France, c’est le post de l’influenceuse anglophone Priscilla Ajoke Ojo qui est le plus liké. 

Originaire du Nigéria, @its.priscy est aussi celle qui détient la communauté la plus importante parmi la trentaine d’influenceurs mobilisés : 2,4 millions de followers. 

Malgré ses 4,4 millions de followers, le compte média anglophone @nwe, lui, ne parvient pas à susciter d’engagement important sur ses posts relatifs à l’opération malgré sa communauté habituellement engagée.

Très actif et proche de ses fans, Prince Edja est l’influenceur le plus engageant sur TikTok. Sa vidéo sur le fleuve Congo, qui sépare Brazzaville de Kinshasa, a généré près de 340 000 vues, 27 000 likes et 1 300 commentaires. La majesté et la dangerosité du fleuve Congo font réagir sa communauté.

@prince_edja

« 🌍 Saviez-vous que les capitales congolaises, Kinshasa et Brazzaville, sont incroyablement proches l’une de l’autre ? Mais ce qui les sépare sont les majestueux rapides du fleuve Congo, créant un spectacle naturel à couper le souffle. 💦 Une proximité unique qui témoigne de la grandeur de notre continent africain. #CapitalesCongolaises #RapidesDuCongo #NatureImpressionnante #visitcongo #landofopportunities #africa #tourisme #princeedja

♬ son original – Stone_danseur

Les publications valorisant le Pont du 15 août de Brazzaville génèrent de nombreuses discussions, notamment des comparaisons avec le pont Alassane Ouattara à Abidjan dans les commentaires des posts de Prince Edja qui est par ailleurs ambassadeur touristique de la Côte d’Ivoire. 

La culture locale, notamment le phénomène de la Sapologie, donne lieu à de nombreuses réactions positives.

L’influenceur et humoriste ivoirien Stéphane Sacré a également enregistré de nombreuses vues, près de 230 000 lorsqu’il filme son arrivée dans sa chambre d’hôtel à Brazzaville. Ses abonnés saluent la beauté de la ville bien que la plupart d’entre eux se focalisent davantage sur la personnalité de l’influenceur.

Ce constat est transposable aux commentaires sous les posts de Flora Coquerel, de Sophie Tankou ou de Prince Edja : la majeure partie est consacrée à leurs personnes propres, avant la promotion du pays pour laquelle ils sont missionnés.  

…qui n’a pas été exempte de critiques

Sur TikTok d’abord, la séquence a donné lieu à un débat houleux quant à la différence de traitement accordé aux créateurs de contenus congolais par rapport à leurs homologues étrangers sollicités pour la campagne. 

@monsieur.geraud

Réponse à @dieuzontraigure le mécontentement des influenceurs Congolais #viral #propagande #pourtoi #sommet3bassins #unionafricaine #pointenoire #brazzaville #visitcongo🇨🇬 #respect #congo #rdc #influenceurscongolais @𝓜𝓮 🖤 @Mwana mboka🇨🇬 @Étoile d’état🌟

♬ Beethoven Moonlight Sonata-High Sound Quality – Amemiya

Les influenceurs nationaux auraient ainsi été rémunérés à hauteur de 250 000 FCFA pour leur participation au Sommet des 3 Bassins, tandis que les influenceurs étrangers auraient touché 10 millions pour leur valorisation des richesses du pays. 

Les créateurs de contenus du Congo n’auraient par ailleurs été sollicités qu’à quelques jours de l’ouverture du Sommet, contrairement à leurs homologues de l’étranger dont la venue a été préparée sur plusieurs semaines. 

Cette fronde est principalement portée par les influenceurs congolais, qui dénoncent une injustice et un manque de considération de la part de leurs autorités, et renforcée par des internautes nationaux qui estiment que le gouvernement est plus enclin à valoriser les étrangers que ses compatriotes. 

En trame de fond, un véritable risque d’image pour le pays

Bien que Twitter n’ait pas été un réseau fortement investi par les influenceurs pour déployer la campagne, le réseau a été un vecteur de critiques importantes. 

Ces réactions à l’opération déployée sur Instagram et TikTok mettent l’accent sur la situation du pays et de ses populations, des critiques politiques fortement reprises et relançant un hashtag très utilisé au Congo : #ChezMoiAuCongo. Ce hashtag est habituellement utilisé par les Congolais pour mettre en évidence avec ironie des situations “rocambolesques”, des dysfonctionnements propres au pays, avec en lien une critique non-voilée du monde politique national.

Twitter, dont l’ADN repose sur la controverse et le débat, devient le canal de critiques principal pour alerter l’opinion publique internationale sur la réalité du pays, éloignée des éléments de communication de la campagne, accusée d’être une opération de “green washing”.

Certains, à l’instar de Paola Audrey, dénoncent une opération de propagande politique en faveur du chef de l’État.

Les sujets de la préemption des ressources du pays et de la corruption sont également un axe de discours fort parmi les critiques, deux thématiques relancées à l’aune de la campagne.

L’absence de reconnaissance des talents nationaux par les autorités congolaises à l’origine de la campagne est, comme sur TikTok, un discours populaire sur Twitter.

Enfin, des critiques ont émergé sur les valeurs de la promotrice de la campagne, la communicante @Scheenadonia, qui a déçu certains de ses soutiens estimant qu’elle a trahi ses valeurs et combats passés en ayant accepté de travailler avec les autorités congolaises. 

Les créateurs de contenus congolais sont également critiqués sur ce point. 

@davido_de_brazza

@Davido de Brazza @Propheté emilio lacass 🎶 @The_milk 🥛 @PRINCE DE LA VÉRITÉ @dada mbappé la danseuse 💃 @Paterne Maestro @Lema_Officiel @Bioman_officiel @Swaanty Officiel #vuelos #davidoofficial

♬ son original – Davido de Brazza

En résumé

Si la campagne #VisitCongo est une réussite en termes de visibilité, elle présente toutefois quelques impasses. 

Pas suffisamment inclusive avec les influenceurs nationaux, elle a donné lieu à un flot de mécontentement nuisible à la réputation du pays. Deuxième écueil : ne pas avoir investi Twitter, laissant de facto le champ libre à un discours critique sans contre-argument. 

Enfin, la question de l’impact de la campagne reste entière. Que restera-t-il de celle-ci dans les mois à venir ? Le compte @VisitRepublicOfCongo continuera-t-il à être alimenté sans les contenus des influenceurs internationaux et sans avoir intégré les créateurs congolais ? Ajoutons également que le choix des hashtags semble hasardeux, entre confusion avec la République Démocratique du Congo voisine pour le hashtag #VisitCongo et manque d’identification avec le hashtag très générique #LandOfOpportunities.

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